Après une nuit de camping dans une ferme, nous marchons vers Ljubljana, capitale de la Slovénie.


On longe la rivière Sava qui nous mène jusqu’à sa banlieue, et après quelques courses, nous décidons de trouver un jardin où planter la tente pour la nuit. La première tentative est une victoire ! On tombe sur Marjeta (prononcez Marietta en français), qui après quelques secondes de méfiance et d’incompréhension devant notre projet — « But what is your project exactly ?? », « We are crossing Slovenia on foot » — nous accueille finalement à bras ouverts, elle se fait même notre ambassadrice et appelle son frère Joanez pour lui demander si elle peut nous installer sur le terrain du club de canoë familial juxtaposé à leur maison. Il est d’accord, c’est gagné !


Nos premières discussions avec Marjeta nous font rapidement comprendre que malgré leur grand cœur, le contexte n’est pas favorable à notre accueil ni à d’autres sources de dérangement. En effet, les inondations sont passés pas là quelques jours plus tôt et nous découvrons que leur club de canoë et leur maison en ont fait les frais. Ils sont épuisés par les travaux de nettoyage, le manque de sommeil et le traumatisme d’avoir vu la rivière voisine sortir de son lit aussi violemment.


On essaie donc de se rendre utile, et Joanez nous trouve une mission : nettoyer le terrain de beach-volley de la boue qui est venue se mélanger au sable fin. Pelle, brouette, c’est parti !

Ce travail physique au soleil est rapidement ponctué par les « pauses » proposées par Joanez : « Guys, stop, let’s have a beer », « Do your know schnaps ? ».


Au fil de l’après midi, le temps passé à pelleter est donc progressivement remplacé par les bières amicales avec Joanez et leurs amis de passages. Marjeta passe par là et nous invite à venir prendre de la soupe au moment du dîner. Son potager lui donne trop de légumes, elle en a donc beaucoup à partager. 


On comprendra seulement au moment de la rejoindre, en arrivant devant la table dressée, que « venez prendre un peu de soupe » est en fait une vraie invitation à dîner ! Nous passons toute la soirée avec elle et son mari. Ce dernier doit se coucher tôt, son travail dans une usine de fenêtre est matinal, mais la soirée se poursuit avec Marjeta. A travers ses récits, on comprend de manière plus personnelle et profonde les événements qui amenèrent la Slovénie à l’indépendance, l’éclatement de la Yougoslavie et les traces que ces événements ont pu laisser. En somme, la part de sensibilité que les panneaux et affichages des musées ne nous donnent pas.


L’indépendance de la Slovénie s’est gagnée en 1991 après 10 jours de conflits armés à ses frontières. A ce moment là, Marjeta et Joanez étaient en Italie pour une compétition de canoë (tous champions de la discipline dans leur famille). Ils ont rejoint leur famille à Ljubljana contre l’avis de leur père qui préférerait qu’ils restent en Italie. Les routes totalement vides, les convois militaires qui stationnaient aux abords de la capitale, et les conflits aux frontières ont laissé des souvenirs marquants, mais surtout des esprits profondément pacifistes dans cette famille : un mort c’est déjà trop. 


Après un café et quelques accolades, nous repartons le lendemain vers le centre de Ljubljana, plein de gratitude après ces moments de partage et cet accueil impressionnant ! C’est aussi et peut-être avant tout pour ces moments que nous voyageons !