Nous passons deux jours à Bhaktapur, une ville magnifique à seulement 13 kilomètres de Katmandou, on y accède après une heure de bus. Il faut d’ailleurs parler de ces incroyables bus népalais qui sont une expérience à part entière. Déjà, ils sont bariolés par leur propriétaire qui y peignent des logos de marques n’ayant aucun rapport avec ce mode de transport : adidas arrive en tête, google, Coca-Cola… Et pour la partie mignonne, ils arborent aussi souvent « Bénédiction Mom & Dad » avec un gros coeur sur le pare-chocs avant. Aucun moyen d’identifier leur destination, pas de numéro, pas d’affichage, ils sont surchargés, et le petit détail qu’on adore : les assistants des chauffeurs qui rabattent les potentiels clients vers leur bus et qui sont souvent obligés de rattraper en courant et de sauter en marche alors qu’ils sont en claquettes de piscine, prouesse sportive ! Ces derniers s’improvisent aussi DJ en diffusant des musiques népalaises à fond les ballons, on se déplace donc avec le sourire dans ces bus de l’extrême ! 

Bref, c’est avec l’un de ces bus légendaires que nous faisons notre entrée à Bhaktapur… ville magnifique où l’on trouve un nombre de temple incroyable, avec des architectures très différentes les unes des autres. Cet endroit est réputé pour regrouper un grand nombre d’artisans et de paysans qui travaillent dans les environs. C’est aussi sur l’une des places de Bhaktapur qu’on trouve le temple le plus grand du Népal, celui de Nyatapola. Cette concentration de temples, de façades richement travaillées et de points d’intérêt vient du fait que la ville de Bhakatpur a dominé politiquement et économiquement le Népal jusqu’au XVIe siècle. Pour la petite histoire, il y a eu pendant des siècles une concurrence entre 3 villes de la vallées de Katmandou, Patan, Bhaktapur et bien sûr Katmandou. Difficile de dire ce qui fit que cette bataille fut remporté par Katmandou, peut-être sa position centrale au sein même de cette concurrence.



Aujourd’hui, l’entrée de Bhaktapur est payante pour les étrangers, comme nombre d’endroits et de villes au Népal. Il y a donc aux quatre coins de la ville de petits péages pour piétons. On repart avec notre ticket permettant de prouver qu’on ne fraude pas, il nous sera demandé plusieurs fois dans la ville. Une auberge de jeunesse nous accueille au fond d’une jolie cour calme. Le centre de Bhaktapur étant inaccessible aux voitures, on peut découvrir ses belles rues dans une ambiance calme qui tranche avec celle de Katmandou à quelques kilomètres. C’est dans cette ambiance reposante qu’on découvre une place qui rassemble des potiers, les tours sur lesquels ils viennent poser leur terre sont faits de bric et de broc. Le plus souvent, leur terre tourne sur une simple planche fixée à une roue de camion. Reliez le tout à un petit moteur et vous êtes prêts à modeler. Entre les mains des artisans en tailleur, la terre tourne, s’élève, prend forme et nous hypnotise. Ici un pot, par là un vase. Et parfois c’est l’accident, la terre se recroqueville et s’effondre, quant elle n’est pas carrément éjectée. Apparaît alors une petite moue sur la bouche du potier, mais après quelques secondes ça repart.



On continue aussi de profiter de la nourriture népalaise. Jusqu’ici on ne s’était pas forcément attardé sur le sujet, mais ça mérite qu’on s’y arrête. Globalement, la cuisine népalaise est un mélange de la cuisine chinoise et de la cuisine indienne. On trouve donc des momos (petits raviolis) dont on peut choisir la farce, ils sont servis avec ou sans sauce. Il y a bien sûr le plat national, que les népalais peuvent prendre à toute heure, le fameux Dal Bhat, composé de riz blanc (dal) servi avec une soupe de lentille (Bhat) et des légumes épicés. C’est une institution ici. Et puis plein d’autres plats goûteux : les biryani (plat plutôt indien) avec du riz épicé, les Chowmein à base de nouilles, on trouve aussi des naans. La cuisine népalaise est donc plutôt plaisante, et tant mieux parce qu’on va vivre parmi ces plats pendant quelques mois ! A Katmandou, il est aussi possible de trouver des Irish Pub, de la cuisine libanaise, et même.. une crêperie française ! On trouve un peu de tout dans la capitale népalaise, et notamment dans le quartier de Thamel qui concentre les étrangers.


En périphérie de Bhaktapur, on découvre aussi des zones urbaine où l’agriculture vivrière a toute sa place ! Des champs de petite taille côtoient des maisons de ville, à quelques centaines de mètres du centre ville. On y voit des habitants travaillant leur terre accroupis. En levant la tête ils s’étonnent de voir deux européens dans leur quartier qui est beaucoup moins touristique, alors on est très observé et on échange de grands "Namaste" amicaux. Il est évident que cette agriculture est vivrière et qu’il s’agit donc davantage d’une économie de subsistance locale que d’une production destinée à l’industrie ou à l’exportation. On peut donc la voir comme un marqueur du mode de vie modeste voire pauvre d'une partie des népalais, mais voir ces champs et cette atmosphère paisible exister au sein même de zones urbaines a aussi quelque chose d’utopique et un certain intérêt écologique, cela vient réveiller chez les bobos que nous sommes des envies "d'agriculture urbaine", "d'hybridation du rural et de l'urbain", "de circuit court et locaux"... Bref, au Népal, ces bêtises un peu snobes sont intéressantes mais elles ne doivent pas occulter la vérité : ce sont juste des gens qui font pousser leur propre nourriture avec les moyens du bord et là où il y a de la place ! Un peu d'autodérision ça fait jamais de mal...


Un peu plus loin dans la ville, le long de la rivière, on tombe sur un temple hindou. C’est devant ce temple qu’on engage la discussion avec un homme qui passe par là et qui semble curieux de savoir d’où l’on vient et ce qu’on fait ici. Quelques minutes plus tard, il nous invite à rentrer dans le temple pour assister à une cérémonie hindoue en compagnie d’une dizaine d’autres personnes. On monte au premier étage et on découvre une salle où le plafond est bas. Les personnes s’installent en tailleur sur d’épais tapis et commencent à jouer de la musique. Puis un homme prend la parole durant environ une heure, l’équivalent d’un prêtre pour les personnes qui l’écoutent (on ne sait pas encore comment appeler les « prêtres hindous » mais ça viendra). Nous avons de la chance il parle un peu anglais, alors il s’arrête fréquemment dans son sermon pour nous traduire dans un anglais approximatif ce qu’il est en train d’expliquer à son public. Ce public n’est pas toujours très consciencieux, plusieurs personnes s’endorment et sont réveillées par des voisins bienveillants lorsque leurs ronflements se font trop bruyants. On sent aussi que d’autres sont pressés de rejouer de la musique et qu’ils se lassent rapidement des discours à rallonge. Cela n’empêche pas notre orateur de développer lentement et consciencieusement son explication, qui a pour la thème la réincarnation, l’aide inconditionnelle de son prochain et l’omniprésence des dieux dans le monde. Nous avons l’impression d’être des petites souris dans un monde inconnu et inaccessible en temps normal, on vit donc un beau moment qui est aussi l’occasion de comprendre quelques notions sur l’hindouisme de la meilleure manière qui soit : avec les personnes qui le vivent.


Après ces belles découvertes nous reprenons le bus direction Katmandou. On retrouve ce qui est devenu notre repère : l’hôtel Yala Peak.