Après avoir passé trois jours à Lhassa, on prend la route avec notre joyeux groupe, notre guide Jimmy et notre chauffeur de bus, Nima, toujours en habit traditionnel tibétain. On est heureux d’entamer cette route depuis Lhassa, le Népal n’est plus très loin, nous sommes presque arrivés à bon port. On a du mal à réaliser après 5 mois de traversée de l’Europe et de l’Asie qu’il soit possible d’arriver un jour à bon port, notre mode de vie est devenu progressivement nomade. Les petites habitudes qui se créent après quelques jours en un même lieu sont inéluctablement abandonnées lorsqu’on reprend la route. C’est aussi ce qui fait qu’on a hâte du Népal : pouvoir prendre le temps de connaître un pays, un peuple, avoir des têtes connues et qui vous reconnaissent, boire des cafés à chaque fois à la même place dans un lieu qui vous plaît. On a hâte, mais ne nous précipitons pas, ce qui attend maintenant, c’est une traversée du Tibet et de cols à plus de 5000m, pour rejoindre l’Everest puis la frontière sino-népalaise.



JOUR 1 - DE LHASSA A SHIGATSE


On prend la route pendant de longues heures mais heureusement on fait souvent des arrêts pour profiter des paysages, se dégourdir les jambes et prendre quelques photos. L’objectif de cette première journée est de rejoindre la ville de Shigatse à 3900m d’altitude. C’est aussi la 2ème plus grande ville du Tibet après Lhassa. Durant la mâtinée, Elise subit les effets de sa gastro carabinée et se sent mal à plusieurs reprises. Heureusement, nos compagnons de voyages sont mieux équipés que nous pour faire face à ce genre d’imprévus et les médicaments qu’ils nous offrent permettent de remettre sur pieds notre voyageuse préférée en quelques heures, ouf !

On découvre les routes tibétaines qui traversent de grands plateaux désertiques et des zones montagneuses, parfois on croise de jolies villages où les maisons sont le plus souvent blanches, de plain-pied avec des toits plats. C’est tout simplement magnifique, les heures passent, on avale des centaines de kilomètres sans se lasser des paysages. L’ambiance dans le bus est donc contemplative la plupart du temps, parfois une conversation s’engage, une rigolade, mais rapidement le silence finit par revenir et les esprits s’échappent à nouveau dans les étendues qui s’offrent à nous.

Le midi, nous nous arrêtons dans un petit village où nous sommes accueillis par une famille tibétaine pour déjeuner. Le salon dans lequel on s’installe est magnifique, les couleurs sont éclatantes et on s’assoit sur de larges banquettes autour d’une table en bois. Au Tibet, le mobilier intérieur est peint avec des couleurs très vives, c’est très gai et chaleureux ! On déguste des plats délicieux et d’autres moins ragoûtants. Certains champignons et légumes en sauce sont extras. Mais on ne parvient pas à manger la viande de yak séchée, où il y a plus de gras que de viande…

Dans l’après-midi, on fait étape à Gyantse pour demander des permis d’accès au camp de base de l’Everest côté tibétain (il y a un camp de base de chaque côté, apparemment l’ascension de l’Everest est plus simple du côté tibétain que du côté népalais). Les permis obtenus, on repart pour une heure ou deux afin d'atteindre Shigatse. En arrivant sur place, le soleil commence à décliner, nous avons tout juste le temps de nous dégourdir les jambes en randonnant autour du principal temple de la ville, le temple de Tashilunpo. Les locaux sont étonnés de nous voir tourner autour du temple avec eux. Au fil de leur marche, ils actionnent les moulins à prière de la main droite. La coutume veut qu’on tourne autour des temples et des stupas dans le sens des aiguilles d’une montre, au risque de mettre les mauvais esprits en colère. On respecte évidemment la tradition, pas question de se mettre les mauvais esprits à dos.



JOUR 2 - SHIGATSE AU CAMP DE BASE DE L’EVEREST



Le deuxième jour est fait de route et encore de route, toute la journée nous avançons, nous grimpons dans les montagnes. Et puis, la récompense de cette longue journée pointe enfin le bout de son nez. Depuis le col qu’on vient de gravir, la plus haute montagne du monde troue l’horizon et se dégage nettement dans un ciel bleu azur. L’Everest et la chaîne himalayenne nous émeuvent. Il y a des paysages capables de vous arracher des larmes de bonheur. Les montagnes ont de quoi émouvoir, de quoi couper le souffle, elles nous laissent si petits. Elles réveillent chez certains ce désir de s’élever, de se rapprocher du soleil quoi qu’il en coûte, et on ne compte plus les Icar qui y ont laissé leur vie, notamment sur celle qui nous fait face. La chaîne de l’Himalaya ferait pâlir notre beau Mont-Blanc s’il pouvait l’apercevoir, heureusement que la courbure de la terre protège son bel ego d’européen. Face à nos petits yeux se tiennent 5 des plus hauts sommets du monde, dépassant les 8000 mètres. Ici, plus de 70 sommets de plus 6000 mètres n’ont même pas reçu de noms, pas assez hauts pour être nommé. Un bel exemple de ce qu’est la relativité…

Nous reprenons la route pour se rapprocher et atteindre le camp de base côté tibétain. Lorsqu’on commence à parler de « camp de base », on sait que vous nous imaginez entourés de Sherpas et d’alpinistes en pleine préparation. L’honnêteté nous pousse aux aveux : le « camp de base » du côté du Tibet n’a rien de tout cela. Il s’agit d’un « camp de base touristique » que l’’on atteint après une ascension… en bus, et de préférence comme c’était notre cas en faisant la sieste. Indignation et huées dans l’assemblée des lecteurs de Paris-Katmandou : « Menteurs ! - Usurpateurs ! - Traîtres ! - On ne vous lira plus jamais merdeux ! ». Pour notre défense, nous sommes de toute évidence les victimes d’un complot : celui des voyages organisés. La plaquette commerciale indiquait bien « camp de base de l’Everest », alors nous aussi on s’était imaginé au milieu des sherpas et des alpinistes ! Pas de sherpas à l’horizon, seulement des touristes chinois et leur passion dévorante pour le selfie. Le petit détail croustillant (parce que parfois on aime dire du mal) : les bouteilles d’oxygène sur le dos de ces touristes, et les bruits d’inhalation lorsqu’ils s’en servent comme si leur vie en dépendait. Interloqués, on est simplement assis sur un rocher à côté, emmitouflés dans une couverture. D’accord nous sommes à 5200m et on s’essouffle vite, mais franchement la bouteille est en trop. Même notre ami Anthony (portugais du groupe) s’en sort indemne avec un seul poumon, c’est pour dire, bravo Anthony ! Bon, après cette description, vous voyez un peu l’ambiance, mais il faut relativiser : le lieu est fréquenté mais il y a largement assez d’espace pour tout le monde dans cette immense vallée, et puis on ne peut que comprendre pourquoi l’Everest attire autant de personnes, c’est si beau ! Bien évidemment il existe un « vrai » camp de base du côté tibétain, il est 6 kilomètres plus loin dans la vallée par rapport à notre position. Vous nous connaissez on meurt d’envie d’aller voir cet endroit. Malheureusement c’est interdit à moins d’être un vrai alpiniste. Ce sera pour une prochaine fois, après un peu d’entraînement !

On passe un très beau moment face à l’Everest. Le soleil se couche sur ses arêtes ouest, et on profite de cette lumière tombante, c’est merveilleux un coucher de soleil sur l’Everest. On ne veut pas être fataliste mais c’est typiquement le genre de trucs qui n’arrivent qu’une fois dans une vie. Alors on prend le temps, on respire, on observe les nuances de couleurs sur les arêtes, la lumière qui s’échappe lentement de la vallée dans laquelle nous sommes. Et puis, après ce moment doux en compagnie du toit du monde, un dernier regard, « clique » on le photographie dans nos mémoires. A la prochaine peut-être.



JOUR 3 - CAMP DE BASE DE L’EVEREST A LA FRONTIERE DE GYIRONG


Notre troisième et dernier jour sur les routes du Tibet se passe encore majoritairement sur la route. Mais encore une fois ce n’est pas un problème vu la beauté des lieux qu’on traverse. On fait aussi des pauses fréquentes, pour profiter des paysages mais aussi parce que dans un groupe de 10, il y en a toujours un pour avoir envie d’aller aux « happy houses » - c’est comme ça que notre guide appelle les toilettes qui pour la plupart n’ont rien de « happy » puisqu’ils sont les pires toilettes qu’on ait jamais vu… 

L’objectif du jour est de rejoindre Gyirong, dernière ville avant d’atteindre la frontière chinoise le lendemain matin. Durant l’après-midi, on s’arrête pour observer une cascade magnifique. Avec l’altitude, l’eau qui chute se fige au pied de la cascade, formant un énorme monticule de glace. On est étonné de retrouver à cet endroit une végétation dense tant pendant des jours nous évoluions dans des zones désertiques en altitude. Quand on se rapproche un peu plus tard des frontières népalaises et qu’on arrive à Gyirong, la végétation devient carrément luxuriante. Ca fait du bien de revoir du vert !

C’est notre dernière soirée avant de passer au Népal, alors après un petit temps de repos - qui a dit que ne rien faire dans un bus ne pouvait pas être fatiguant ? - on se retrouve tous ensemble dans un restaurant de la ville pour fêter nos quelques jours passés ensemble. L’ambiance est bonne, ce qu’on mange l’est un peu moins, mais l’avantage est qu’à peu près partout dans le monde on trouve de la bière blonde convenable. Alors les verres s’enchainent, et puis apparaît cette idée bizarre au plein milieu d’une ville calme du Tibet : Et si on allait en boîte ? Au début on le dit pour la blague parce qu’on n’y croit pas et que cette petite ville ne peut de toute façon pas avoir de club. C’était sans compter sur le serveur qui s’approche : « En fait, il y a une boîte de nuit à 200 mètres, c’est mon ami qui la gère, je peux vous y emmener ». Echanges de regards dans l’assemblée, sourires malicieux, let’s go ! L’équipe des portugais est déjà partie se coucher, mais il reste Mike, Margaret et Ching. Accompagné du serveur qui est un amour, on entre dans cette boîte de nuit située au 1er étage d’un bâtiment imposant du centre-ville. On se retrouve à danser comme des fous avec des tibétains trop heureux de nous apprendre leurs danses et de nous faire écouter leurs meilleures musiques. Ca fait du bien de faire la fête, et surtout on ne s’attendait pas à ce que ce soit possible ici !



JOUR 4 - PASSAGE DE LA FRONTIERE CHINOISE ET ARRIVEE AU NEPAL


Le lendemain matin, on se retrouve pas très frais pour un petit-déjeuner rapide avant de sauter dans le bus direction la frontière népalaise. Après quelques minutes de route, nous passons des checkpoint, et puis ça y est, nous y sommes. La frontière népalo-chinoise se dresse devant nous. Nous sommes des habitués des frontières maintenant. Toujours en deux étape. Déjà il s’agit de quitter la Chine, et ensuite d’entrer au Népal. La différence de moyens et d’équipements est hallucinante ! Côté chinois : scanner des bagages, reconnaissance faciale et analyse des passeports, ils regardent même nos photos dans nos téléphones. Rien de compromettant heureusement, à part quelques vidéos de Thibault sur la piste de danse la veille… Mais ils finissent par tous nous laisser passer.


On traverse ensuite un vieux pont pour atteindre le côté népalais : des singes se baladent en liberté, le scanner est en panne il faut donc ouvrir tous les bagages, fouille au corps pour tout le monde dans un bâtiment délabré. Les femmes doivent enlever leurs chaussures mais pas les hommes, mystère… 


Mais l’essentiel est là, juste là, nous sommes enfin arrivés au Népal ! Nous ne sommes pas encore à Katmandou, mais nous sommes au Népal ! Quelle victoire ! Encore quelques kilomètres et nous aurons atteint notre destination, Katmandou !