En revenant du Langtang trek, Elise est descendue sur la route pour débuter son volontariat. De mon côté c’est une autre projet qui m’attend, une semaine dans un monastère bouddhiste de Katmandou dans le but d’apprendre la méditation ! C’est la première fois du voyage que nos projets divergent, et donc qu’on se sépare pour une semaine. Ca fait drôle, c’est un sentiment ambivalent : un petit pincement au coeur mêlé à l’excitation de se retrouver seul, surtout dans ce grand bazar qu’est Katmandou !


A mon arrivée, je retourne au Yala Peak Hotel, c’est certainement la 5e fois qu’ils me voient débarquer en un mois et demi, c’est donc presque comique de refaire le check-in à force. Mon stage de méditation commence le lendemain, ça me laisse un peu de temps pour profiter. J’explore certains quartiers et je traîne dans des petites librairies où l’on peut trouver des livres d’occasion, même en français ! Il est assez marquant de noter que les bookstores du quartier touristique sélectionnent leurs livres autour de deux thématiques : le plus évident étant la montagne : les livres grand format qui relatent les expéditions sur l’Everest notamment, mais aussi quelques guides de voyage. Et puis, l’autre sujet qui envahit les étagères est le développement personnel… C’est un meli-melo de livres sur le bien-être, la nutrition, le bouddhisme et tout un tas de méthodes douteuses pour « devenir soi-même en mieux » ou parfois plus directement « comment devenir riche », ce qui est peut-être équivalent à « devenir soi-même en mieux » dans la culture américaine du développement personnel. Bref, on trouve quand même quelques pépites perdues au milieux de ces torchons, ça fait plaisir ! Cette sélection de la part des libraires népalais en dit beaucoup sur ce que les touristes et voyageurs viennent chercher ici : frisson et performance sportive d’un côté, aventure spirituelle et bien-être de l’autre.


Le soir venu, je retrouve 5 français pour un verre dans un Irish Pub. Nous les avions croisé le matin même sur la route du retour en direction de Katmandou, et après quelques minutes on s’était mis d’accord pour ce verre improvisé. A ce moment-là, il y a une information qui aurait dû éveiller ma vigilance, du moins me mettre la puce à l’oreille : ces 5 français sont géniaux mais ils sont avant tout bretons ! On passe donc une soirée excellente à discuter, à refaire le monde et à échanger sur ce qu’on comprend du Népal. Il y a le billard aussi, autour duquel s’organise un petit tournoi. Et puis, au fil des conversations, des rires, de nos parties de billard et dans une ambiance sonore où le rock domine, une conclusion finit par s’imposer : les bretons m’ont eu, j’ai trop bu. J’arrivais pourtant avec la meilleure intention du monde : passer une soirée courte, boire un maximum de 2 bières et partir avant 23h pour être en forme pour commencer la méditation le lendemain après-midi. Mais non, même à Katmandou, il faut toujours qu’un breton passe par-là et mette son grain de sel. Sans rengaine, à la revoyure les amis d’un soir !



Le lendemain, c’est le grand départ pour le monastère de Kopan ! Je suis excité à l’idée de découvrir ce lieu et en même temps je ne sais pas exactement à quoi m’attendre. Après un trajet en taxi, j’arrive au pied du monastère qui est haut-perché sur une colline. On domine Katmandou et son brouillard, l’ambiance est calme. Quelques personnes font la queue à la réception où des moines gèrent d’intendance. Lorsque je m’y présente, on me demande de déposer mon téléphone et on me donne la clef de ma chambre. Je ne suis pas particulièrement accro au téléphone mais il faut quand même dire que ça fait bizarre de ne pas en avoir du tout. Au cours de la semaine, je me suis surpris parfois à tâter ma poche par réflexe. Mais les bienfaits de ce petit abandon en valent largement la peine, on retrouve de la disponibilité d’esprit, pour soi-même déjà, mais aussi pour les autres, en l’occurrence les autres participants à ce stage de méditation, ainsi que les enseignants. Côté confort, ma chambre est monastique et ascétique : un lit, un petit bureau et une commode. C’est simple, efficace et reposant, parfait !



Les journées au monastère de Kopan sont longues mais intéressantes. Notre quotidien est rythmé par une routine bien établie : 


6h - C’est le réveil, et à cette heure j’entends déjà les jeunes moines du monastère qui chantent en coeur dans la cour, ils commencent leurs chants vers 5h30.

6h45 - Première session de méditation. Parfois c’est encore dans un demi sommeil qu’on débute cette session, mais elle se révèle souvent être la plus efficace et intéressante, l’esprit est vif le matin !

8h30 - Nous allons petit-déjeuner avant d’enchainer avec le cours de la matinée. Les cours traitent du bouddhisme, de la pratique de la méditation et parfois ce sont simplement des séances de questions-réponses avec l’un des deux enseignants. 

12h - La pause déjeuner. Jusqu’à la fin du déjeuner le silence doit être respecté, mais dès qu’on sort de la cantine il est possible de parler. C’est aussi un bon moment pour se dégourdir les jambes parce qu’on passe beaucoup de temps assis sur des coussins.

14h - Groupes de discussion. Des sous-groupes de discussions sont organisés pour pouvoir débattre des notions abordées durant la matinée et tenter de les digérer ensemble, ce sont de bons moments qui permettent de découvrir les autres et de débattre. 

15h - Les cours reprennent, comme le matin ce sont des cours « magistraux » où un enseignant s’attarde sur un sujet. Certaines notions sont très spécifiques au bouddhisme : réincarnation, karma etc. Mais la plupart du temps les sujets traités sont universels et assez philosophiques : notre relation aux émotions, les différentes formes d’attachement, les souffrances, la compassion etc.

18h30 - Diner ! Il fait déjà nuit depuis presque une heure, et c’est l’heure d’aller diner. Il faut d’ailleurs préciser que les cuisiniers du monastère sont exceptionnels, on y mange très très bien, à tel point qu’après certains repas, il devient un peu difficile de se concentrer ou de méditer…

19h45 - Méditation. C’est une session de méditation qui conclut la journée et s’étend jusqu’à 21h. Puis, c’est en silence que chacun rejoint sa chambre. Car oui, de 21h jusqu’à la fin du déjeuner du lendemain, le silence est obligatoire. Malgré les 90 participants, les petits déjeuners et les déjeuners sont donc des moments d’un calme impressionnant, où depuis la terrasse de la cantine, on profite de la vue sur les montagnes alentours.


Cette expérience d’une semaine fut donc bien remplie ! Je ne m'attendais pas à un programme aussi chargé mais les cours se révèlent prenants et enrichissants.

Je découvre la méditation analytique, qui est l’exact inverse de ce qu’on imagine souvent quand on pense à la méditation. Loin de nous « vider la tête » ou d’essayer de ne « penser à rien », cette forme de méditation demande un effort attentionnel important et permet de se plonger dans des sujets identifiés à l’avance. Il s’agit d’apprendre à discipliner sa propre attention, de la surveiller et de la canaliser. Et il faut dire que ce n’est pas simple car notre esprit passe sans arrêt d’une idée à l’autre, on croirait un singe fou… Alors pour être honnête, il y a des moments où la méditation ne fonctionne tout simplement pas pour moi durant ces sessions ; ça peut parfois tourner à l’ennui, voire même au rêve éveillé ou au passage en revue de vieux souvenirs… Mais quand ça marche c’est vraiment satisfaisant, on en ressort apaisé et avec la conscience plus affûtée !

Pour les bouddhistes, la méditation est un outil qui permet d’observer, de comprendre et in fine de modifier son propre esprit et donc l’expérience qu’on fait du monde. Les bouddhistes ont donc un idéal de transformation de soi, qui passe notamment par la méditation. Pendant cette semaine, nous avons aussi parcouru des notions très éloignées de mes croyances personnelles, comme le karma ou la réincarnation, comprendre le fonctionnement détaillé de ces concepts était vraiment intéressant.


Parmi les autres participants, j’ai compris que certains trainaient des casseroles émotionnelles et psychologiques, des traumatismes aussi. J’ai pu discuter avec des personnes qui cherchaient à se défaire de certaines addictions, de guérir de certains chagrins… Bref, beaucoup venaient chercher à travers la méditation une solution pragmatique à leurs maux ou inquiétudes ; quelque chose à cultiver dans leur quotidien pour prendre soin d’eux et prendre du recul. Je ne vais pas poser ici une auto-analyse psychologique douteuse, mais ça m’a fait prendre conscience de ma chance, puisque de mon côté je venais plutôt par curiosité pour le bouddhisme et la méditation, et aussi pour me reposer un peu. Sans avoir des attentes colossales donc ! Comparé à la gravité que dégageaient certains de mes camarades, j’avais donc parfois la sensation d’être un enfant de par ma naïveté et ma positivité. 


Cette semaine, c’était aussi plein de petits moments précieux : pouvoir participer à des cérémonies bouddhistes et observer les dizaines de moines chanter en coeur, boire des americanos délicieux avec une vue panoramique sur Katmandou, déambuler dans les beaux jardins du monastère à la nuit tombée, et bien sûr discuter avec des personnes venues du monde entier. C’était une belle semaine d’apprentissage !